Appartement de Bouchra Mobasheer

Gordon se rhabilla silencieusement, il était franchement déconnecté et complètement décontenancé par ce qui s'était passé. La preuve il n'avait pas vraiment écouté ce que Bouchra avait dit, à peine avait-il remarqué le rhum en train de s'écouler sur le sol.

Il leva les yeux vers la jeune femme et arriva non sans mal à sortir de sa torpeur pour secouer la tête.

"- J'aimerais... Il soupira. J'aurais aimé qu'on discute de..."

Il ne voulait pas rester dans cet état de désir permanent, de confusion de plus en plus pesante et surtout d'attente. Il était de plus en plus perdus dans ses sentiments, ses principes et ses obligations et il lui semblait que tout lui échappait.

"- De ce qui se passe..."

Il expira longuement mais il savait que tôt ou tard ils devraient avoir une conversation si ça continuait à fonctionner comme cela et il prenait la responsabilité de l'initier et d'en assumer les conséquences.

Elle alla récupérer de quoi éponger le liquide rependu au sol. Cela lui permit de réfléchir quelques secondes. Il avait raison bien sur. Mais ca faisait très peur. Elle finit donc par hocher la tête en se mordillant la lèvre.

Elle le prit gentiment par la main et le fit assoir sur le canapé. Elle même s'installa juste à coté, sans le lâcher.

- Promet moi de ne pas m'interrompre d'accord ?

Elle se sentait comme un parachutiste juste avant son premier saut. L'abime vertigineux était sous ses pieds. Survivrait-elle à la chute ?

- Il y a un peu moins d'un an, je sus tombé amoureuse. D'un coup. J'aurai fait n'importe quoi pour lui. Ça a faillit me couter ma carrière qui débutait à peine.
Notre histoire a duré 48h !
Sur le coup, je n'ai pas bien compris, mais petit à petit, je me suis rendue compte à quel point cela m'avait marqué. J'en revenais systématiquement à lui. J'ai oublié ma vie personnelle pour mon travail, ce qui à plutôt bien marché.

Elle reprit son souffle avant de continuer. Elle n'osait pas le regarder, son regard errait sur ses meubles vides et sur Caton qui s'amusait comme un petit fou. Gentleman, Jim la laissait parler.

- Et puis il y a eut le black out. J'ai été blessée, j'ai tué un homme de sang froid. Je me suis réveillée dans une chambre d'hôpital en ayant frôlée la mort. Tout ca m'a fait réfléchir. M'a fait prendre conscience que je devait avancer. Malgré mon salaire de sergent je vivais toujours dans un appartement minuscule d'étudiante. Parce que j'avais la trouille de sortir de ma petite déprime permanente et confortable. Je n'arrêtais pas de m'apitoyer sur mon sort mais ne faisait rien pour le changer. J'avais... j'ai, la trouille de grandir.
C'est pour ca que j'ai déménagé. C'est un peu puéril mais je ne veux plus avoir regarder derrière moi.
Et puis il y eut hier soir. Être avec toi, c'était laisser tous le reste derrière. Mettre un point final à un an de vide.

C'était un peu dur, dit comme ca, surtout que cela n'avait pas été vraiment conscient de sa part. Mais tous cela lui apparaissait très clairement maintenant. Elle plaça son doigt sur les lèvres de l'homme en face d'elle pour lui signifier qu'elle était loin d'avoir fini.

- Cette nuit à été magique. Et j'ai pris conscience ce matin que je n'avais aucune envie que cela cesse. Je me sens bien avec toi, plus que bien même.

Son regard revint finalement vers Gordon et elle accrocha le sien.

- J'ai une peur bleue de tomber amoureuse de toi, et de souffrir à nouveau, mais je ne vois juste pas comment l'éviter.

Elle n'avait pas prévue de dire ca, par contre, ca faisait vraiment mélo. Mais sa confession lui avait fait un bien fou. Finalement il avait raison ce matin, voir un psy était peut être une bonne idée.

Elle le fit asseoir et lui demanda de se taire pendant qu'elle parlait, ça il pouvait gérer, il était d'ailleurs lui-même plutôt mal à l'aise à l'idée de parler au moment où son tour viendrait. Déjà qu'affronter ses sentiments comme il venait de le faire, était compliqué, les verbaliser serait... encore plus dur.

Bouchra avait apparemment décidé de tout lui déballer, de lui raconter sa dernière année pour qu'il puisse mieux la cerner, allait-il devoir faire de même ? Mais là au moins, il comprenait mieux certaines de ses réactions. Il n'avait pas lâché ses mains et il sentaient les siennes devenir moites, son coeur battait la chamade, il stressait plus qu'il ne l'avait fait pour n'importe quelle conférence de presse ou interview délicate.

Quand elle eut fini il savait qu'il devait dire quelque chose, mais quoi, trop de choses se bousculaient dans sa tête et aucune ne semblait réellement adéquate.

"- J'aimerais..."

Voix tremblante, ton incertain, décidément rien à avoir avec ce dont il avait l'habitude. Il se racla la gorge essayant de reprendre contenance.

"- Je ne sais pas ce que j'ai à t'offrir Bouchra. Fit-il, réussissant à stabiliser le ton de sa voix. Après trois divorces je m'étais résigné à ne plus tomber sur quelqu'un qui me comprenne. Soupira-t-il. J'aurais sûrement du chercher juste devant mes yeux. Ajouta-t-il comme pour lui faire comprendre que tomber amoureux d'un flic avait été la meilleure chose à faire.

C'était difficile d'évoquer pour lui ce genre de choses. Surtout que ça n'avait plus été la même chose après la perte de sa fille, il ne pensait plus pouvoir aimer de nouveau avec une telle intensité.

"- Le problème..."

Son ton commençait à nouveau à vaciller mais il réussit à le contrôler.

"- Le problème c'est que je suis déjà amoureux de toi."

Même lui s'étonnait d'avoir réussi à mettre des mots sur ses sentiments si vite. Mais après tout à plus de quarante ans il était temps qu'il apprenne à prendre le taureau par les cornes et ne pas tourner autour du pot. C'était soudain, rapide, peut-être trop, mais pourquoi laisser passer une telle occasion, il ne voulait pas la laisser partir, ni lui faire peur et le manque qu'il avait ressenti toute la journée n'avait fait que confirmer ce qu'il ressentait déjà ce matin.

Elle ne s'attendait pas vraiment à ce qu'il lui fasse une confession. Bien sur, il aurait pu tourner les talons et parte en courant, mais s'était assez peu probable, espérait-elle. Quand il commença à parler elle l'encouragea du regard et en pressant ses mains.
Elle le laissa terminer néanmoins. Elle aurait aimé en savoir plus mais il s'était deja beaucoup, énorme meme.
La déclaration la prit un peu par surprise, même si elle se doutait de ce qui allait arriver, mais pas si vite.

- Oh... Wow...

Pas tres spirituel, mais son cerveau refusait de reflechir plus avant.

- Je... Jim c'est...

Si tu ne peux pas parler, agit ! Elle se rapprocha de lui et l'embrassa, timidement au début puis plus franchement.

- Du coup c'est moi qui ne sais pas trop ce que je peux t'apporter. Je ne suis qu'un petit sergent, d'une famille pauvre immigrée.

Elle s'arrêta quelques seconde et se blottie dans le creux de son épaule.

- Et puis zut. j'ai envie d'être avec toi. On a tous les deux des sentiments très forts. Moi ca me suffit pour démarrer.

Elle en avait les larmes aux yeux. Une fois de plus ses émotions la trahissaient et celles de son interlocuteur venaient s'y ajouter. Ça faisait mal, toute cette anxiété, mais sentir ses sentiments faire échos aux siens valait tout l'or du monde.

Il souffla soulagé, ravi, toujours un peu surpris de l'intensité si soudaine de leurs émotions, mais indubitablement content qu'elle ressente la même chose. Il répondit à son baiser aussi légèrement qu'il savait le faire tout en essayant de faire passer tous ses sentiments par ce simple geste. Quand ils se séparèrent, il lui caressa doucement la joue et serra sa main dans la sienne.

Il lui releva le menton quand elle se demanda ce qu'elle pouvait bien lui apporter, elle qui n'était qu'un "petit sergent". Il affichait une moue dubitative et secoua légèrement la tête.

"- Ne te rabaisse pas avec moi, ça ne marchera pas, je sais ce que tu vaux (peut-être que ce qu'il avait entendu par Roxann n'était pas que du mauvais) et ces dernières vingt quatre heures m'ont plus secouées que les cinq dernières années."

Son ton, bien que calme, était ferme, il voulait tout de suite la rassurer et couper court à ses questionnements sur le pourquoi du comment il pouvait avoir envie d'être avec elle. Il le voulait c'était tout et c'était tout aussi imprévu que viscéral.

Il la serra dans ses bras de façon protectrice quand elle s'y blottit et la caressa instinctivement de façon à calmer ses angoisses. Il déposa un baiser dans ses cheveux, un autre dans son cou et laissa leur trop plein d'émotions s'estomper petit à petit.
Même si ça avait été difficile cela lui avait fait du bien, il se sentait plus léger et surtout plus confiant maintenant qu'ils avaient pu échanger leurs envies.

Elle releva le nez, avec un petit sourire, pour lui répondre.

- j'arrêterai de me rabaisser quand tu feras de même. Tu ne te rends pas compte de ce que tu m'as déjà apporté. A quel point tu me fais du bien... Heu non je ne parle pas de ca... enfin si aussi, mais ce n'est pas... ehuu.. enfin tu vois !

N'arrivant toujours pas à trouver ces mots elle se réinstalla et laissa les bras protecteur l'entourer. Ils laissèrent tous les deux couler l'émotion et la tension. Elle avait senti Gordon au bord de craquer quand il avait amené le sujet, et quand il avait dut un peu s'ouvrir. Il n'était pas du genre expansif, le bougre. Le faire se raconter ne serait pas évident.

De longues minutes plus tard, parce qu'il fallait bien se secouer, elle se releva doucement après l'avoir embrassé une fois de plus.

- On y va ? Sinon je ne pourrai rien préparer d'autres que des sandwich ce soir... Deja que je n'ai pas fais la cuisine depuis une éternité.
Et puis tu pourras me donner un avis sur... mon nouveau chez moi.

Il sourit quand il entendit Bouchra essayer de lui expliquer ce qu'il lui apportait.

"- J'ai compris ne t'inquiète pas." La rassura-t-il.

Il avait décidément l'art de pouvoir la calmer rapidement même si lui-même était encore sous le coup de tout ce qu'ils s'étaient dit. Ils restèrent enlacés sur le canapé pendant de longues minutes avant que la jeune femme ne brise le silence qui s'était installé entre eux.

"- Oui tu as raison. Et j'ai hâte de voir quel genre de bateau tu as bien pu trouver." Fit-il avec un clin d'oeil.

Surtout que la nuit tombait vite et qu'il voulait profiter de la soirée.
Il se leva donc lui aussi et alla charger la voiture avec les quelques cartons que l'inspecteur lui avait indiqué pendant qu'il la laissait terminer de nettoyer et remballer les vivre qu'elle avait achetés mais aussi se doucher.

Ils sortirent ensuite ensemble, Mobasheer vérifiant que tout était bien fermé puis s'installant à la place du passager.

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